Rencontre : Eli Durst s’est infiltré dans les sous-sols des églises américaines

Rencontre : Eli Durst s’est infiltré dans les sous-sols des églises américaines

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© Eli Durst

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Par Lise Lanot

Publié le

Le photographe américain a immortalisé la multitude d'activités de groupes ayant lieu dans les sous-sols des églises.

Eli Durst a grandi dans le Texas, un État chrétien du Sud des États-Unis. Enfant juif, il était fasciné par les activités spirituelles et collectives ayant lieu dans les sous-sols des églises. Adulte, il a utilisé son appareil photo “comme un passeport” pour intégrer différents groupes et associations et immortaliser le spirituel, l’incongru et l’esprit collectif qui s’en dégagent.

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Ces images en noir et blanc, prises sur le vif, titillent les spectateur·rice·s, qui ne peuvent compter que sur la force de leur esprit pour imaginer dans quel cadre ces dernières ont été prises. Eli Durst a répondu à quelques-unes de nos questions, afin de nous en dire plus sur sa série The Community.

© Eli Durst

Cheese | Bonjour Eli, peux-tu me dire comment t’est venue l’idée de cette série ?

Eli Durst | J’ai commencé par l’idée simple de photographier les activités ayant lieu dans les sous-sols d’églises. Je trouvais que ces endroits incarnaient un paradoxe fascinant : ces espaces typiquement américains sont complètement banals mais en même temps profondément chargés idéologiquement. J’ai toujours été intéressé par les rituels et l’iconographie des banlieues aux États-Unis et les sous-sols des églises semblaient être le bon endroit pour entamer un projet sur le sujet.

Très vite, je me suis rendu compte que je n’étais pas tant intéressé par un projet documentaire comparant et contrastant différents groupes et associations mais plutôt par l’idée d’immortaliser des moments étranges et ambigus. J’ai fini par me demander si je ne pouvais pas créer une série où il semblerait que tous ces moments avaient lieu dans un seul lieu communautaire fictif. Que cherchent tous ces gens et comment tentent-ils de trouver des réponses ?

“Les activités qui semblaient tendre vers le même but : trouver un sens à notre existence, essayer de devenir la meilleure version de soi-même.”

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La France et les États-Unis ont une relation très différente vis-à-vis de la religion. Pourquoi était-il important pour toi de montrer ce qu’il se passait à l’intérieur des églises ?

Un truc vraiment génial avec la photo, c’est que c’est un passeport pour aller dans des endroits que tu n’aurais jamais connus autrement. La religion est très importante aux États-Unis, notamment au Sud. En tant qu’enfant juif ayant grandi dans le Texas, j’ai toujours été très curieux de savoir ce qu’il se passait dans les sous-sols des églises. 

Si ce n’est qu’une simple curiosité qui m’a poussé à me rendre dans ces lieux, j’ai fini par être complètement fasciné par les différentes activités qui s’y tenaient. Des activités qui, malgré leurs différences, semblaient tendre vers le même but : trouver un sens à notre existence, essayer de devenir la meilleure version de soi-même.

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Comment as-tu approché les gens que tu as photographiés ?

Parfois, je trouvais une activité qui me menait dans un lieu en particulier puis je finissais par découvrir d’autres groupes qui se regroupaient au même endroit. La ressource principale de ma recherche a été le Net, ceci dit. Facebook m’a aidé à trouver différents groupes, notamment dans les sous-sols des églises.

Il y a de nombreux groupes que j’ai contactés qui ne souhaitaient pas être pris en photo, et je comprends tout à fait. Les activités spirituelles auxquelles ils prennent part demandent de se rendre très vulnérables. Je ne voulais vraiment pas mettre les gens mal à l’aise avec ce travail, ça allait à l’encontre total de l’essence du projet. Avec certains groupes, je participais à des réunions ou des services puis je leur présentais mon travail pour que les membres puissent décider s’ils voulaient participer ou non.

© Eli Durst

Pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?

Pour plusieurs raisons, certaines thématiques, d’autres plus pratiques. Tout d’abord, j’aime la façon dont le noir et blanc donne une sorte d’intemporalité aux images – pas dans le sens d’une élégance intemporelle, mais plutôt d’une ambiguïté temporelle. À l’exception de quelques indices, il est difficile de savoir quand les images ont été faites.

De plus, les images ont été prises dans différents États, à travers le Connecticut, New York et le Texas, et j’aimais la façon dont le noir et blanc unifiait tous ces différents lieux, créant un nouveau monde légèrement différent du nôtre. Je voulais donner l’impression que ces activités de groupes avaient pu arriver en même temps, dans un seul espace communautaire symbolique, et je pense que le noir et blanc participe à cet effet.

D’un point de vue purement pratique, il s’avère que j’ai aussi utilisé des stroboscopes, afin de donner aux images une dimension plus dramatique, et je préférais la façon dont ces lumières jouaient avec les éclairages ambiants (principalement fluorescents) en noir et blanc plutôt qu’avec la couleur.

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Vous pouvez retrouver le travail d’Eli Durst sur son site.