Rencontre : la folle scène musicale anglaise dans les yeux de Vicky Grout

Rencontre : la folle scène musicale anglaise dans les yeux de Vicky Grout

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© Vicky Grout

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Par Naomi Clément

Publié le

À 24 ans, cette Londonienne capture les artistes les plus talentueux d’Angleterre, de Skepta à Jorja Smith en passant par Stormzy.

Longtemps restreinte aux basements londoniens, la grime connaît depuis le début des années 2010 une impressionnante ascension, portée par une horde de MCs talentueux tels que Skepta, Stormzy, AJ Tracey ou Not3s. Cette scène, foisonnante et florissante, a depuis été célébrée par de nombreux·ses artistes. 

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Il y a eu l’artiste Reuben Dangoor qui, fin 2015, exposait au Tate Modern The Legends of the Scene, une série d’illustrations façon toiles de maître en hommage à ces artistes ; la journaliste Hattie Collins, dont le livre This is Grime (publié aux éditions Hodder & Stoughton, 2016) retraçait la naissance et l’évolution du genre musical ; mais aussi Vicky Grout, sans doute l’une des photographes qui a le plus œuvré pour l’exposition de la grime au cours de ces dernières années.

Le rappeur anglais SL, 2018. (© Vicky Grout)

Depuis ses débuts, cette Londonienne de 24 ans n’a en effet cessé de mettre en lumière les figures les plus emblématiques de cette scène. Passionnée de musique, elle a également tiré le portrait de nombreux autres jeunes talents de la scène britannique, à l’instar d’Octavian, de Ray BLK, de J Hus ou encore de Jorja Smith. Un univers placé sous le signe de la culture hip-hop et du drapeau anglais donc, sur lequel Vicky Grout revient aujourd’hui pour nous.

Konbini arts | Tu es aujourd’hui l’une des photographes qui documente le plus la scène grime de Londres. Comment es-tu arrivée dans ce milieu ?

Vicky Grout | J’ai commencé à faire de la photo autour de mes 13 ou 14 ans. À cette époque, j’avais mis la main sur un vieil appareil photo de famille que j’ai commencé à utiliser durant les nombreux concerts où j’allais, ou bien quand je traînais avec des amis. J’ai commencé à photographier la scène grime de Londres vers mes 17 ans, où je me rendais à énormément de raves et de concerts de grime.

Au départ, j’y allais sans mon appareil photo, juste comme ça, en tant que fan. Et puis au fur et à mesure, à force d’enchaîner les concerts, de commencer à me familiariser avec les artistes et donc de les mettre en confiance, j’ai commencé à prendre mon appareil photo et à les photographier. C’est une scène qui m’a attirée pour son énergie pure, mais aussi pour l’esprit de communauté que l’on peut y ressentir.

“La scène grime m’a attirée pour son énergie pure, mais aussi pour l’esprit de communauté.”

Stormzy, 2017. (© Vicky Grout)

Tu as également immortalisé d’autres artistes issues de la scène musicale anglaise, comme Jorja Smith, Mahalia ou Ama Lou. La photo, est-ce un moyen pour toi de mettre en valeur ton pays ?

Je crois que l’Angleterre a toujours été le berceau de musiques incroyables, mais c’est vrai que ce sentiment s’est affirmé au cours de ces dernières années. C’est sans doute également dû au fait que l’Angleterre a commencé à attirer l’attention de nombreux médias issus du monde entier, grâce à ses nombreux talents. Et tout cela m’a beaucoup inspirée.

Donc pour répondre à ta question, oui, j’ai toujours été passionnée de musique, et l’idée de pouvoir documenter les talents émergents de la scène anglaise est très importante pour moi. C’est aussi une façon de prouver qu’il ne faut pas forcément être originaire des États-Unis pour en valoir la peine.

IAMDDB pour “PUSH magazine”, 2017. (© Vicky Grout)

Tes clichés ont quelque chose d’à la fois très authentique et parfois un peu nostalgique. Comment décrirais-tu ton style ?

J’ai beaucoup de mal à décrire mon travail, j’ai l’impression que j’ai toujours besoin de la perspective de quelqu’un d’extérieur pour m’aider… Mais j’aime penser qu’il transmet quelque chose de naturel et d’authentique. Je m’efforce toujours à faire en sorte que les gens que je capture se sentent à l’aise et se montrent tels qu’ils sont. Dans le but, si possible, de faire ressortir d’eux une certaine émotion.

Tu photographies principalement en argentique. Pourquoi cet attachement ?

Quand j’ai commencé à prendre des photos, j’utilisais un format 35 mm, et j’ai naturellement continué comme ça depuis. J’ai shooté des photos en numérique il y a quelque temps, mais je suis rapidement revenue à la pellicule et je n’utilise plus que ça aujourd’hui. Il y a une qualité propre aux pellicules que j’ai du mal à décrire et à reproduire au numérique. Et puis, j’adore cette part d’excitation que tu éprouves toujours un peu en attendant que le développement soit fini !

Jorja Smith, 2016. (© Vicky Grout)

Est-ce qu’il y a d’autres photographes qui t’inspirent pour ton travail ?

Quand j’ai commencé à photographier la scène grime, pas vraiment. Je me suis juste lancée, comme ça, sans chercher à trouver de l’inspiration dans le travail d’autrui. Mais il y a quelques années, j’ai commencé à me spécialiser dans le portrait et dans la photo de mode. C’est à ce moment-là que j’ai découvert le travail de Campbell Addy, de Tyler Mitchell et de Nadine Ijewere, dont je suis très admirative.

En parallèle de tes projets personnels, tu es directrice du service photo pour le magazine PUSH. Comment as-tu commencé à travailler avec eux ?

PUSH a été créé par un très bon ami à moi, le journaliste musical Grant Brydon, qui m’a, dès le lancement, demandé de rejoindre l’équipe pour m’occuper de toute la partie photographie du magazine. C’est une expérience nouvelle pour moi, car je m’occupe de diriger la photo et non plus simplement de la faire. C’est surtout super amusant d’avoir la possibilité de participer à l’élaboration d’un magazine comme celui-ci.

Skepta, 2015. (© Vicky Grout)

Quelle est la photo dont tu es la plus fière jusqu’ici ?

Il y en a plusieurs que j’adore, mais celle dont je suis la plus fière, je dirais que c’est la photo en noir et blanc de Skepta que j’ai prise à mes débuts en 2015, pour la sortie de son single “Shutdown”.

Et l’artiste que tu aimerais vraiment photographier ?

Ah, il y en a tellement ! Mais actuellement, je rêverais de photographier Chance the Rapper.

Octavian pour “PUSH Magazine”, 2018. (© Vicky Grout)

J Hus pour “PUSH magazine”. (© Vicky Grout)

Sasha Keable pour “Clash Magazine”, 2018. (© Vicky Grout)

Abra Cadabra, 2017. (© Vicky Grout)

Jarreau Vandal pour “Clash Magazine”, 2017. (© Vicky Grout)

Ty Dolla $ign pour “Push Magazine”, 2017. (© Vicky Grout)

Novelist, 2017. (© Vicky Grout)