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Soigner son mal du pays par la photo, le projet intimiste et tout en néons du Saigon Duo

Soigner son mal du pays par la photo, le projet intimiste et tout en néons du Saigon Duo

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Par Justina Bakutyte

Publié le

Deux photographes originaires du Viêt Nam s’intéressent, à leur manière, à la relation à la fois complexe et universelle que l’on entretient avec le pays natal.

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Ces dernières années, quitter la maison est devenu un rite de passage particulièrement marquant, un privilège qui prouve que l’on a atteint un niveau de maturité suffisant pour mener une vie indépendante. De nouveaux endroits, de nouvelles rencontres, à quelques minutes ou à plusieurs heures de route du domicile familial, autant d’expériences qui peuvent être aussi heureuses et épanouissantes qu’elles peuvent s’avérer intimidantes et solitaires.

Le thème du foyer, en particulier de l’éloignement et des souvenirs qui y sont rattachés, est au cœur du travail de deux photographes originaires du Viêt Nam mais vivant à New York, qui se font appeler le Saigon Duo. Leur série de photos sur le sujet fait maintenant l’objet d’un livre, intitulé Drifters: Serendipity, que l’on peut traduire par : “Nomades : les heureux hasards”. Ils racontent :

“Quand nous étions plus jeunes, nous imaginions l’âge adulte comme quelque chose d’extraordinaire. Mais maintenant que nous avons entre 20 et 30 ans, nous avons le sentiment d’être toujours aussi perdus.”

Duy Vo et Thao Bui sont deux photographes vietnamiens qui se sont retrouvés autour de la thématique de l’exil, et du désir de rester connecté avec son identité :Drifters est le fruit de cette réflexion : ce travail nous permet une pause momentanée pour revenir sur notre passé, […] un espace où afficher notre vulnérabilité […] qui nous permet de mieux nous comprendre nous-mêmes à la lumière de nos vieux souvenirs.”

Le concept du livre est de mettre de côté les stéréotypes liés à l’ethnicité, pour rendre le message qu’il porte universel. Les deux photographes ont ainsi choisi d’utiliser un éclairage aux néons, parce que, selon eux : “Sous la lumière des néons, la couleur de votre peau est secondaire. Votre couleur devient celle qui est projetée sur vous. Rouge, bleu, vert, orange… Une couleur vive et qui vaut chaque prise.”

Pour se débarrasser du cadre spatial et géographique, Duy Vo et Thao Bui ont utilisé une faible profondeur de champ en floutant le décor. Cela permettait de déconnecter leurs modèles des endroits où ils se trouvaient, les plaçant dans un hors-lieu. Ils expliquent que ces photos servent de machine à remonter le temps pour retrouver certains moments du passé :

“Bien qu’ils n’aient pas été pris au Viêt Nam, ces portraits […] se déconnectent du lieu où ils ont été réalisés. À différents niveaux, cela montre ce que le concept de pays natal représente pour nous. Ce n’est plus un espace physique, mais une collection de souvenirs passés, l’envie d’être dans les bras de nos proches.”

Bien que le projet de départ soit une exploration intime et personnelle de la connexion qu’ont Duy et Thao avec la ville de Saigon (désormais Hô-Chi-Minh-Ville), Drifters : Serendipity devrait toucher tous ceux qui ont quitté leur maison, d’une façon ou d’une autre : “Nous pensons que nous n’expérimentons pas la vie seul·e·s, alors si vous traversez un moment difficile, sachez que nous partageons avec vous la pression, la peur et la solitude.”

Rendez-vous sur Blurb si vous souhaitez acheter le livre, dont les bénéfices sont reversés au Planning familial américain.

Traduit de l’anglais par Sophie Janinet