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“The Feminine Project” explore en images la définition de la féminité dans les rues d’Istanbul

“The Feminine Project” explore en images la définition de la féminité dans les rues d’Istanbul

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Par Lise Lanot

Publié le

Ayla Hibri et Margherita Chiarva ont baladé leur studio photo bricolé en quête des différentes définitions de la féminité données par des anonymes.

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Il y a deux ans, alors qu’elles vivaient dans la cosmopolite Istanbul en Turquie, les photographes Margherita Chiarva et Ayla Hibri ont décidé de mettre en images leurs questionnements concernant la façon dont la société et les circonstances de leur existence les façonnaient en tant que femmes. Avec pour seules armes leur appareil photo et un drap rose − cette couleur que toutes les filles sont censées adorer − leur servant de studio photo do it yourself”, elles ont parcouru les rues les plus touristiques de la capitale turque afin d’immortaliser des femmes de tous âges, toutes nationalités et toutes religions, dans le cadre de leur Feminine Project.

Pour chaque femme approchée, le processus était le même. Les deux photographes, ne parlant pas turc, montraient un petit bout de papier expliquant le projet à des inconnues et leur proposant d’y participer, assises sur un tabouret, devant un fond drapé d’un rose vieilli. Le papier leur demandait d’offrir leur pose la plus “féminine”. Bien que cette injonction puisse paraître déroutante, Ayla Hibri nous raconte que les apprenties modèles entraient rapidement dans le jeu :

“Certaines femmes étaient hyper enthousiastes et posaient directement avec une confiance incroyable tandis que d’autres montraient plus d’hésitation et avaient besoin d’être convaincues (on est passées maîtres dans l’art de la persuasion). Les plus jeunes gloussaient et les plus âgées savaient exactement quoi faire. On a beaucoup débattu et discuté avec ces femmes, c’était génial. […]

On partait de l’hypothèse que la féminité était une attitude… Cela n’a rendu personne perplexe mais elles ont chacune pris un petit temps avant de s’asseoir et de trouver une pose. Un bon nombre des femmes avaient un message à faire passer.”

À peu près à la même époque, Ayla Hibri avait eu l’occasion de visiter Sanaa et elle avait tiré de ce voyage une belle série consacrée aux rues yéménites, Arabia Felix. Ce projet représentait majoritairement des hommes pris sur le vif, soit presque l’exact opposé de ce Feminine Project ; cependant, on retrouve les mêmes techniques de photographie argentique de l’artiste et ce regard si bienveillant sur ceux qu’elle immortalise.

Derrière les images aux teintes pastel et au grain vieilli, on parvient presque à imaginer les discussions qui ont pu animer les modèles et les deux artistes qui partaient pour une “quête personnelle d’exploration de [leur] expérience en tant que femmes” : “On voulait visualiser les notions d’inné et d’acquis pour mieux nous comprendre nous-mêmes, pour comprendre nos idéologies, nos émotions et toutes les subtilités de la féminité (puisqu’on parle déjà tout le temps de la masculinité).”

Une approche documentaire et artistique

C’est une approche documentaire de classification dans laquelle Ayla Hibri et Margherita Chiarva se sont lancées : “Nous voulions interagir avec des échantillons aléatoires de la société et chercher des schémas récurrents. Bien sûr, c’était impossible de tirer quelque conclusion que ce soit, mais le processus a permis une toute nouvelle vague d’introspection et de compréhensions.”

Qu’importe le résultat tant qu’on vit le projet ? C’est sans doute ce que pensent les deux photographes puisqu’elles comptent bien donner une suite à la série. Elles avouent en parler constamment ensemble, voyant l’expression de la féminité comme un “flux constant” : “Tant que nous évoluons et que les époques et le monde évoluent, les attitudes des femmes évoluent avec.”

Elles continuent ainsi d’observer les changements de mœurs et de politiques, citant tour à tour la récente autorisation de conduire pour les femmes saoudiennes, le nombre croissant de têtes voilées en Turquie et la normalisation de l’androgynie et de la fluidité des genres dans d’autres grandes villes : “On essaie de suivre tout ça et on attend de frapper au bon moment.”

Il serait intéressant de suivre ce projet sur 10, 20 ou 50 ans à travers le monde ou au sein d’une même région de la planète, sans pour autant vouloir à tout prix tirer des conclusions sur un sujet aussi vaste que la féminité. Comme souvent lorsque les réponses sont difficiles à trouver, on peut se rassurer en se disant que l’art saura toujours trouver sa place dans les interstices de l’indicible et de l’insoluble.

Vous pouvez retrouver le travail d’Ayla Hibri et de Margherita Chiarva sur leurs sites respectifs.