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Viola Davis pose pour la première couv’ de Vanity Fair prise par un photographe noir

Viola Davis pose pour la première couv’ de Vanity Fair prise par un photographe noir

Image :

© Dario Calmese/Vanity Fair

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Par Lise Lanot

Publié le

Le photographe Dario Calmese s'est inspiré de l'image célèbre et douloureuse d'un esclave au dos mutilé par les coups de fouet.

L’édition actuelle du Vanity Fair américain existe depuis 1983. En 37 ans d’existence, pourtant, la publication n’avait jamais fait appel à un·e photographe noir·e pour réaliser une couverture. Le photographe Dario Calmese est l’auteur de cette première, pour laquelle il a immortalisé Viola Davis.

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Pour ce portrait, le photographe a convoqué des références historiques qui soulignent les douleurs du passé, tout en célébrant un futur prometteur. L’actrice Viola Davis est photographiée de dos, le visage tourné, vu de profil. Drapée dans une robe Max Mara, elle présente son dos nu. Sa position et la peau dénudée de son dos sont un rappel direct de la célèbre photo “The Scourged Back” (“le dos flagellé”).

Viola Davis en couverture du numéro juillet-août 2020 de <em>Vanity Fair.</em> (© Dario Calmese)

Une référence puissante

L’image en question, prise en 1863, montre le dos, gravement mutilé par les coups de fouet, d’un esclave ayant tenté de s’enfuir d’une plantation. Elle a été grandement diffusée à travers les États-Unis, afin que les États du nord du pays se rendent compte de l’horreur de l’esclavage et encouragent son abolition.

Dario Calmese manifeste le caractère volontaire de cette ressemblance, affirmant qu’il s’agit là de se débarrasser du “regard blanc sur la souffrance noire”, pour parvenir à “un regard noir empli de grâce, d’élégance et de beauté”.

“The Scourged Back”, avril 1863. (Attribué à McPherson & Oliver)

Cette détermination à amplifier le “black gaze” et témoigner de la force de la communauté afro-américaine est accompagnée des symboles instillés par Dario Calmese. Il souhaitait réimaginer l’actrice “comme une Madone noire – liée à l’émancipation, la transformation, le changement – mais aussi comme la déesse grecque Athéna – qui représente la justice, le triomphe, la sagesse”.

Les femmes noires “sous une cape d’invisibilité”

Interviewée par la journaliste Sonia Saraiya, Viola Davis n’omet pas d’appuyer le manque de diversité dont ont fait preuve Vanity Fair et tant d’autres publications, toutes ces années :

“Ils [Vanity Fair’] ont toujours eu un problème avec le fait de mettre des femmes noires en une, mais c’est le cas de nombreux magazines et de nombreuses campagnes beauté. L’absence de femmes noires à la peau foncée est marquante. Quand on lie ça avec ce qu’il se passe actuellement, la façon dont sont traitées les femmes noires, le coup est doublement brutal. Nous sommes mises sous une cape d’invisibilité.”

Pire que de n’avoir jamais fait appel à un·e artiste noir·e, le magazine ne s’en était pas rendu compte, rapporte le New York Times : “Il y a encore deux semaines, Dario Calmese ne savait pas qu’il était le premier photographe noir à shooter la une de Vanity Fair, mais il avait un doute, donc il a demandé à la rédaction, qui a fait ses recherches.”

“Pour autant que nous sachions, ceci est la première couverture faite par un photographe noir”, a affirmé la nouvelle rédactrice en chef du magazine américain, Radhika Jones. Cette dernière ajoute que pendant les 35 ans précédant sa nomination à la tête du magazine, seules 17 unes ont présenté des personnes noires seules. En deux ans et demi, elle a augmenté ce nombre de huit.

Pendant l’entretien, la journaliste a demandé à Viola Davis si elle avait déjà manifesté avant les rassemblements du mouvement Black Lives Matter de ces derniers mois : “J’ai l’impression que ma vie entière a été une contestation”, a-t-elle répondu. “Ma boîte de production est ma contestation. Le fait que je n’ai pas porté de perruque aux Oscars en 2012 était une protestation. Cela fait partie de ma voix, comme quand je me présente et vous dis : ‘Bonjour, je m’appelle Viola Davis’.”

Nul doute que cette couverture est également une forme de protestation et d’évolution de l’égalité des voix et des représentations.