AccueilPop culture

Visa pour l’image 2017 : trois regards sur la bataille de Mossoul

Visa pour l’image 2017 : trois regards sur la bataille de Mossoul

Image :

Mosul, Iraq, 29th of june 2017
The army, the federal police and special forces of the iraqi counter-terrorism services start togheter their new advance in the center of the old city of Mosul, the district of the Al-Nouri mosque, where Al-Bagdadi took his only public speech to proclame the creation of the caliphate.
A commando of special forces start his advance in the Is controlled territory. The Al-Nuri mosque area will be surrounded.
The advance is from house to house, with the help of the air strikes of the coalition, by openings already made by Is, by opening twih hammer or by blowing up new ways with brick of plastique explosive.
The commando in front of the base of the minaret Al Hadba destroyed by members of the Islamic State.
Civilians are coming out of their houses, in rubble of the buildings destroyed by bombardments.
Photo Laurent Van der Stockt for Le Monde / Getty Images Reportage
Mossoul, Irak, le 29 juin 2017
L’armée, la police fédérale et les forces spéciales des services du contre-terrorisme irakien entament une nouvelle avance conjuguée au centre de la vieille ville de Mossoul, dont fait partie le secteur de la mosquée Al-Nouri.
Un commando des forces spéciales commence sa pénétration dans le territoire encore controlé par l’Etat Islamique en direction de la mosquée Al Nouri.
L’avance se fait de maison en maison, par les ouvertures déjà présente, en ouvrant à la masse ou en plastiquant de nouvelles voies, avec l’aide des frappes aériennes de la coalition.
La progression du commando à pied passe à hauteur du socle du minaret Al Hadba détruit par les membres du groupe Etat Islamique.
Des civils restés sortent de leurs maisons dans les décombres des bâtiments détruits par les bombardements.
Photo Laurent Van der Stockt pour Le Monde

avatar

Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

La bataille de Mossoul a particulièrement marqué cette année. Et le festival de photojournalisme Visa pour l’image l’a bien compris puisque pas moins de trois expositions lui sont dédiées à Perpignan.

À voir aussi sur Konbini

Le travail de Laurent Van der Stockt (gagnant du Visa d’or News), Alvaro Canovas et de Lorenzo Meloni, tous exposés au Couvent des Minimes, offrent différents points de vue sur un même événement déjà très médiatisé. Ils ont tous couvert la bataille de Mossoul depuis le début, mais n’ont malheureusement pas vu vivre la libération de cette ville assiégée depuis octobre 2016 par l’organisation de l’État islamique et dans laquelle le calife Abou Bakr al-Baghdadi s’est autoproclamé en 2014. Depuis juin et juillet 2017, ce dernier est présumé mort mais sans certitude.

Neuf mois passés à documenter dans le vif le travail des militaires, leurs victoires, leurs pertes ainsi que le quotidien dramatique des Irakiens, et durant lequel ces photojournalistes ont dû garder leur sang-froid face à l’attente et à l’horreur.

Laurent Van der Stockt, sur le vif

Avec une volonté d’exhaustivité et beaucoup de réalisme, Laurent Van der Stockt a souhaité montrer, au plus près de l’action, l’horreur de cette bataille :

“On sait que l’on peut faire dire n’importe quoi à une photo. Alors j’emmagasine et, en parallèle, j’essaie de comprendre au mieux la situation. Ensuite, comme tous les journalistes j’essaie de la retranscrire le plus justement possible”, commente Laurent Van der Stockt à RFI.

Sombres et froides, ses photos montrent des visages d’enfants apeurés, des militaires en pleine mission, des attentats-suicides, toujours avec proximité et mouvement : “La prise de vue est un ensemble de circonstances qui permettent d’être le plus possible témoin, un peu à la façon de quelqu’un qui prend des notes”, dit-il à France Culture. Il appuie notamment sur l’importance du lien texte-image dans son travail.

Ses images ne sont pas contemplatives et témoignent du présent de l’action, sur le vif. Il aborde souvent ses portraits à travers des plans plus rapprochés que ses compères Canovas et Meloni. Le ciel n’est pas systématiquement apparent. En regardant ses photos, on a l’impression de suffoquer : ce que l’on retient, c’est le chaos, le gris, le béton et les montagnes de ruines sur lesquels les Irakiens pleurent.

Alvaro Canovas, au plus près des émotions

On parle ici moins de “bataille” que de reconquête ; d’ailleurs, la série réalisée par Alvaro Canovas s’intitule Mossoul, l’amère reconquête. Le ton est donné, il s’agit aussi d’amertume. Les images sont tout aussi violentes que celles de Laurent Van der Stockt, mais moins sombres : il y a plus de lumière, les couleurs sont plus chaudes. Sa volonté est d’être au plus près de l’action. Comme il l’explique à RFI :

“Pendant les phases de combat, on avait un accès absolument incroyable à la ligne de front et on vivait complètement immergé avec les hommes du régiment : on allait au combat avec eux, on mangeait avec eux, on dormait avec eux. On était complètement intégré au bataillon comme jamais auparavant lors d’une opération militaire. […] Je dois raconter une histoire la plus complète possible pour les lecteurs sur un événement, un personnage, un bataillon.”

Tout comme Laurent Van der Stockt, lorsque l’offensive est lancée, le photojournaliste se trouve avec les forces spéciales de la Division d’or, en première ligne, et toujours près des civils et militaires qu’il photographie au quotidien. Durant ces mois d’attente, il a accompagné six fois les soldats irakiens dans leurs combats : “C’est en quelque sorte le bien contre le mal”, peut-on lire sur un panneau affiché au début de l’exposition, “à chaque voyage, j’avais une pensée pour mon copain Pierrot, assassiné au Bataclan. J’ai voulu suivre ces soldats jusqu’à leur victoire.”

Durant des semaines, “chaque pas pouvait être mortel”. Il faisait face aux visages des “soldats noirs de Daech, de maison en maison, porte après porte, étage après étage”. Au fil de son reportage, il s’attache à capturer les émotions, plutôt que les actions. Il raconte à RFI :

“Ce n’est pas facile de capter des expressions. Il faudrait presque arriver à anticiper l’action… Mais ces expressions muettes rajoutent de la couleur et du son à l’image. Ils la rendent beaucoup plus forte.”

À son retour, il confiera qu’il n’a jamais couvert de combats si dangereux. Pourtant, il en a suivi des guerres et des révolutions, à presque 50 ans. À travers ce travail documentaire, il souhaite rendre hommage “à tous les hommes qu’il a suivis et qui ont perdu la vie ou qui sont aujourd’hui grièvement blessés”.

Lorenzo Meloni, après la bataille

Ses photos peuvent être aussi violentes que celles de Laurent Van der Stockt et d’Alvaro Canovas, mais elles portent quelque chose de plus positif, un espoir pour le peuple irakien qui se dessine dans le choix d’une lumière plus blanche et des couleurs plus douces. Souvent, ce sont des plans larges, en plein air, où le ciel apparaît et où les vestiges de l’architecture irakienne ont une place importante.

En plus de documenter le présent de la bataille, son travail se concentre aussi sur l’après-bataille : que reste-t-il de Mossoul et de ses habitants ? Ce qui l’intéresse, ce sont les conséquences sur les civils : “Le concept de libération et de constater que les choses ne changent pas : la guerre est une répétition. Que reste-t-il ? L’abandon, la destruction…”, déclare-t-il à RFI.

Ses images dévoilent un panorama de lieux de culte, de cimetières et d’immeubles détruits pendant les combats contre les djihadistes. On voit des enfants errer et des femmes se lamenter. Il a assisté à quatre batailles (dans une même guerre) qui témoignent de “la chute du califat” (d’après le nom de sa série) : Syrte en Libye, Kobané et Palmyre en Syrie et Mossoul. À RFI, il parle de l’attente interminable entre les combats :

“Finalement, la majeure partie du temps que j’ai passé avec ces hommes, ils passaient leur temps à boire du thé et à fumer la chicha. Et peut-être que ce sont ces moments qui sont les plus importants pour raconter la guerre. Il y a aussi des périodes de vacance, parce qu’il ne faut pas oublier que ces soldats combattaient chez eux et qu’il y avait des roulements tous les quinze jours.”

Trois expositions à voir au Couvent des Minimes, jusqu’au 17 septembre 2017 dans le cadre de Visa pour l’image (Perpignan).