“Maintenant, je me sens à ma place”, on a discuté avec Bekar de “Plus fort”, la réédition de son premier album

Plus fort

“Maintenant, je me sens à ma place”, on a discuté avec Bekar de “Plus fort”, la réédition de son premier album

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Par Simon Dangien

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On est allés à la rencontre du Roubaisien Bekar qui vient de sortir la réédition de son premier album. Et s’il entrevoit le soleil, les montagnes, elles, font toujours de l’ombre.

Plus fort que l’orage, Bekar a prouvé qu’il l’était en sortant en mars 2023 son premier album Plus fort que l’orage. Après plusieurs projets, EP et mixtapes, ce gars du nord de la France franchissait alors un cap, délivrant un disque réussi, suivi d’une tournée et de deux Olympia qui auront lieu en novembre prochain. Durant la même période, le jeune BE obtient son premier single d’or avec le titre “Magenta” issu de son projet Mirasierra sorti en 2022, confirmation de l’évolution saine d’une carrière qui grandit, guidée par le cœur.

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Quasiment un an après son premier album, Bekar clôture un large chapitre de sa vie avec Plus fort, une réédition qui vient faire le point sur la première partie du disque et ouvrir avec quelques rayons de soleil bienvenus, 13 au total, la porte de l’espoir et du vivre mieux. La quête de Bekar n’est pas terminée mais prend un nouveau tournant. Avec l’arrivée des beaux jours, nous l’avons rejoint au label Panenka afin de prendre le pouls de cette nouvelle sortie, de tenter de comprendre ce que le rappeur a voulu évoquer à travers cette suite et de décortiquer ce qui attend BE après l’orage.

Konbini | Tu reviens tout juste de Montréal où tu étais en concert, ça va ? Pas trop déphasé ?

Je suis arrivé il y a cinq heures, quelque chose comme ça. On a volé de nuit donc je suis un peu défait mais c’était incroyable !

Là, on est à quelques jours de Plus fort, la suite et réédition de ton premier album Plus fort que l’orage. Le sentiment, il est différent d’il y a un an ?

C’est forcément différent de la sortie de l’album. Quand tu annonces un album, un premier album en plus, l’enjeu et la pression sont forcément plus importants je trouve. Après, j’ai mis la même énergie de travail dedans, je travaille mes projets de la même manière et je ne l’ai pas négligé. Peut-être que le fait d’être parti pendant dix jours à Montréal, de voir autre chose, d’être dans une ville que je ne connaissais pas, ça m’a un peu sorti de la pression que je pourrais avoir. Mais là, en rentrant sur Paris, ça va remonter je pense.

Je voulais avant tout qu’on fasse un point sur ce premier album. Comment tu analyses son succès, les retours, maintenant qu’il est sorti il y a quasiment un an (le 31 mars 2023) ?

Je suis hyper content de la manière ça s’est passé. L’album a bien traversé le temps, je trouve. J’ai l’impression qu’il accompagne encore des gens et je suis content parce que ça devient de plus en plus compliqué, il y a tellement de sorties. Même moi, franchement, je passe à côté de tellement de projets. J’ai eu beaucoup de retours positifs, j’ai l’impression d’avoir contenté tous les gens qui me suivent et rien que pour ça, je suis vraiment content.

Ce premier album, qu’est-ce qu’il a changé dans ta vie ?

Avant tout, il a changé ma vie d’artiste. J’ai fait ma première tournée vraiment tout seul avec cet album. J’ai commencé à faire des concerts en 2019 donc là, ça m’a donné la chance de pouvoir faire une tournée à mon nom. Je me suis vraiment rendu compte que j’avais un public méga fidèle et engagé, on a rempli à peu près toutes les salles en France, même à Montréal la salle était pleine et ça, ce sont des bons indicateurs. Et ensuite, le statut, hein ! J’ai eu l’impression que ça m’a implanté un peu plus dans le paysage rap. J’avais du mal à me situer avant le premier album, je ne savais pas trop comment les gens me percevaient, etc. Je savais qu’il y avait des médias, par exemple, qui m’attendaient un peu au tournant et qui m’ont envoyé des messages à la sortie en mode : “Franchement, tu as relevé le défi d’un premier album”.

Tu as donc décidé de clore un gros chapitre de ta vie avec cette réédition, pourquoi ?

À un moment, j’ai hésité à partir sur un deuxième album direct. En fait, je trouve que dans la réédition, il y a des couleurs musicales que je n’ai pas encore touchées. Le fait de beaucoup bosser avec Myth Syzer ces derniers temps, il a apporté un vrai climat et ouvert une “branche” que je n’avais pas encore explorée. Donc on est encore au début de quelque chose et je sentais que j’explorais un nouveau domaine. Après, j’ai parlé avec les gars et, en vrai, je ne me sentais archi pas prêt.

C’était trop tôt pour un deuxième album selon toi ?

Oui, c’était trop tôt, je pense que j’ai besoin d’emmagasiner des choses, de vivre d’autres expériences pour pouvoir écrire un truc dont je suis vraiment fier. Et il faut le dire, le premier album m’avait pris tellement d’énergie. Franchement, il y a des moments où c’était dur et là, j’avais besoin de faire de la musique sans trop me prendre la tête, je voulais revenir à un truc plus instinctif. Je me suis dit : “Tu sais quoi ? En vrai, j’ai juste envie de sortir de la musique”.

On ressent que c’est plus instinctif mais il y a quand même une cohérence avec cette lumière et l’arrivée du soleil, comme quand tu dis “ça va mieux dernièrement” dans “Quelqu’un”.

Je trouvais que conclure l’album par une touche d’espoir, comme si j’avais vaincu l’orage, c’était une note positive qui pouvait ensuite ouvrir sur plein d’autres choses.

Pourtant, la mélancolie reste présente chez toi et encore sur cette réédition ?

Je pense qu’elle sera toujours présente. J’ai ça en moi. J’ai des périodes de vie où je suis plus mélancolique que d’autres et c’est la musique et le style de rap qui m’ont toujours le plus parlé. Comme je dis dans le projet, “je suis sûr du chemin pris mais le chemin reste un labyrinthe”, j’ai l’impression que l’album m’a permis, comme on disait tout à l’heure, de franchir un cap. En tout cas, maintenant, je me sens à ma place même si c’est un métier de passion où tu n’as aucune certitude. Tu es obligé de penser à ta musique tout le temps, matin, midi, soir. Moi, ça fait dix ans que c’est comme ça dans ma vie. Parfois, quand il y a des enjeux qui n’étaient pas là avant, ça peut avoir tendance à te bouffer mais c’est un juste équilibre à trouver.

Justement, tu parles de mélancolie, je me suis demandé si tu pouvais revenir sur l’une des dernières phrases que tu prononces dans l’outro “2000’s” : “Ça me met la larme à l’œil comme à la toute fin du Grünt (59) ?

C’est un petit clin d’œil. [Rires] Je ne m’en suis pas rendu compte sur le moment mais en gros, à la fin du Grünt, quand j’ai la casquette baissée, on dirait que j’ai les yeux humides et j’ai eu plein de commentaires là-dessus, même sur Twitter ou YouTube où les gens disaient :“Ah, l’émotion à la fin, même Bekar il pleure” donc c’est un petit clin d’œil. Mais d’un point de vue global, je trouve qu’il y a une vraie émotion dans ces trois derniers couplets, sur cette prod de Lucci qui dégage un truc très fort. J’ai l’impression que chacun a mis un peu ses tripes dedans et je suis grave content, les gens ont ressenti cette sincérité.

Sur la réédition, tu présentes deux collaborations avec SDM et Lesram, comment les connexions se sont faites ?

J’ai vu plein de gens surpris sur Twitter concernant le feat avec SDM mais pour moi, la connexion ce n’est pas du tout improbable. On faisait des concerts ensemble il y a quatre ans déjà, des co-plateaux puisqu’on était dans la même boîte de tourneur. Et puis, on continuait à parler un peu sur Instagram et on s’est vus à un festival cet été. Donc là, on avait reparlé et au final je lui ai demandé : “Tu es chaud, on va au stud et on fait un son ?”. Et puis on est allés au studio toute une nuit jusqu’à sept heures du matin. On a fait tout le son sur place, on a écrit le refrain à deux avec SDM et je trouve qu’on a réussi à faire le bon mélange entre nos deux univers.

Et pour Lesram ?

Je l’écoute depuis archi longtemps, 2014 peut-être et on ne s’était déjà rencontrés plusieurs fois sur plusieurs années. On s’est toujours suivi de loin même si on ne se captait pas et un jour je me suis dit : “En vrai, techniquement, il y a très peu de rappeurs qui sont aussi forts que lui” et je trouvais que c’était le parfait moment pour lui proposer un feat. Il venait de rendre son projet quand on a enregistré le titre et ça s’est fait en deux fois parce que la première fois, on ne l’a pas fini [rires].

J’aimerais terminer cet entretien par la suite logique : qui dit conclusion d’un chapitre dit début d’un autre, non ?

Je ne sais pas encore ce que je veux. Le seul truc que je peux dire, c’est que je réfléchis à ça ces derniers temps mais je n’ai pas de piste précise. Pour l’instant, je sais juste que cet album clôture toute une partie de ma vie, l’adolescence surtout, les doutes, les questionnements comme : “Qu’est-ce que je veux faire plus tard, où je me situe ?”, ce genre de questions.

Et ça ne te fait pas peur, justement, de fermer une page comme ça ? Même si c’est pour le meilleur.

Si, ça fait toujours peur mais, en même temps, c’est excitant tu vois ? J’ai l’impression qu’il y a vraiment une nouvelle page, on repart un peu à zéro, on va raconter d’autres choses, ça va être le gros défi. Mais en vrai, je ne m’inquiète jamais pour ça. Je me dis que tout vient naturellement. Je ne sais pas quand ça viendra, mais ça viendra. Après, il faut quand même aller chercher les choses mais ça viendra, c’est sûr.

C’est tout ce qu’on te souhaite en tout cas ! Merci Bekar.