Un artiste colle des visages de policiers dans les rues contre la reconnaissance faciale

Un artiste colle des visages de policiers dans les rues contre la reconnaissance faciale

Image :

© Paolo Cirio

photo de profil

Par Lise Lanot

Publié le

L'hacktiviste Paolo Cirio a placardé 50 visages de policiers sur des murs parisiens et plus de 4 000 sur son site.

En mai 2020, le député Les Républicains Éric Ciotti déposait à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à interdire “la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de policiers municipaux ou d’agents des douanes”.

À voir aussi sur Konbini

Le texte demandait que les forces de l’ordre soient “non identifiables dans l’espace médiatique, y compris sur les réseaux sociaux”, rapportait alors Le Monde, sous peine d’un an d’emprisonnement et d’une condamnation à 15 000 euros d’amende. Le tout pour lutter contre “le policier bashing qui se développe dangereusement”, soit la diffusion d’occurrences de violences policières filmées par des témoins.

Dans le même temps pourtant, la reconnaissance faciale à l’encontre de personnes civiles n’en finit de progresser en Europe et en France. La police française utilise désormais cette technologie pour “recherche[r] des auteurs d’infractions”. Pour alerter quant à cette propagation et la contester, l’artiste et hacktiviste Paolo Cirio a collé une cinquantaine de visages de policier·ère·s sur des murs parisiens et publié plus de 4 000 têtes sur son site.

L’artiste italien a lancé une pétition, Ban Facial Recognition Europe, qui demande aux membres du Parlement européen et de la Commission européenne “de prendre au sérieux cette énorme menace pour les droits de l’homme et notre société civile et de légiférer pour l’interdiction immédiate et permanente de l’identification et du profilage via la technologie de reconnaissance faciale dans toute l’Europe” :

“La reconnaissance faciale est une technologie particulièrement invasive. Il ne s’agit pas seulement de la surveillance des militants, des suspects et des minorités, mais c’est une atteinte à la vie privée de tous. Aujourd’hui, la reconnaissance faciale en Europe se déploie sans transparence ni débat public, et est utilisée en dehors de tout cadre juridique coordonné et cohérent”, poursuit Paolo Cirio.

L’artiste Paolo Cirio. (© Florian Draussin)

Un projet légal, mais censuré

Sur le site capture-police, supprimé depuis que “le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a fait pression sur l’activiste”, Paolo Cirio enjoignait les internautes à identifier les visages de ces photos “publiques, […] trouvées dans les journaux ou sur Internet”. Le ministre de l’Intérieur s’est fendu d’un tweet, affirmant qu’il s’agissait là d’une “insupportable mise au pilori de femmes et d’hommes qui risquent leur vie pour nous protéger”, tandis que les syndicats de police montaient également au créneau, dénonçant une “tentative de lynchage médiatique”

Chargement du twitt...

“Les gens n’ont pas compris mon projet”, plaide Paolo Cirio. En dénonçant “l’asymétrie du pouvoir” liée au développement de la reconnaissance faciale, il affirme vouloir protéger tout le monde, police incluse, “en montrant que ce [qu’il a] fait, tout le monde peut le faire, pas seulement un artiste mais aussi un criminel” :

“La police appelle à l’utilisation de la reconnaissance faciale sur les manifestants, les minorités et les civils, alors qu’ils se rendent non identifiables lors d’affrontements publics. Dans ce projet, la reconnaissance faciale se retourne contre les mêmes autorités publiques et forces de l’ordre qui cherchent à en justifier la nécessité.

Toutes les photos ont été prises dans l’espace public, soit trouvées sur l’Internet public, soit acquises auprès de membres de la presse. Ces pratiques sont en tous points similaires à ce que permet ‘Clearview AI‘, une entreprise américaine qui extrait des images d’Internet, établit un profil des visages et vend ces données aux forces de l’ordre.”

La pétition de l’hacktiviste a déjà récolté près de 16 000 signatures, prenant un bel élan depuis la mise en lumière du projet par le ministre de l’Intérieur. Un parfait exemple de “l’effet Streisand”, tel que le note Korii, qui définit l’intérêt accru porté à un sujet qu’on tente d’étouffer. Le projet de Paolo Cirio a perdu une bataille mais est loin d’avoir perdu la guerre.

© Paolo Cirio ; photo de Florian Draussin

Chargement du twitt...

© Paolo Cirio

© Paolo Cirio ; photo de Florian Draussin

L’artiste Paolo Cirio. (© Florian Draussin)

© Paolo Cirio ; photo de Florian Draussin