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Vol d’un Banksy au Bataclan : quelle est la peine requise par le tribunal de Paris ?

Vol d’un Banksy au Bataclan : quelle est la peine requise par le tribunal de Paris ?

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© Giovanni Grezzi, Greg Ozan, Jacques-Alexandre Brun/AFPTV/AFP

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Par Konbini arts

Publié le , modifié le

L’accusation parle d’un "comportement de charognards", la défense appelle à "revenir à la mesure".

De 18 mois à quatre ans de prison ferme ont été requis vendredi pour le vol ou le recel d’une peinture de Banksy en hommage aux victimes du 13-Novembre. Après trois jours d’audience, le tribunal a annoncé qu’il rendrait sa décision le 23 juin.

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Huit hommes, âgés de 31 à 58 ans, comparaissaient pour avoir joué un rôle dans la disparition en janvier 2019 d’une porte du Bataclan, recouverte d’une peinture au pochoir revendiquée par l’énigmatique street artiste britannique. La Jeune Fille triste avait été peinte en juin 2018 dans le passage Saint-Pierre-Amelot, ruelle par laquelle le public avait fui lors de l’attentat du 13 novembre 2015. 90 personnes avaient été tuées dans la salle de spectacle.

“Le vol de cette porte a suscité une émotion très forte et un trouble majeur à l’ordre public”, a estimé la procureure Valérie Cadignan dans ses réquisitions. À l’issue du procès cependant, “nous sommes tous d’accord pour dire qu’il ne s’agissait pas de profaner, mais de faire un profit en ayant conscience de la valeur inestimable de cette porte”, a-t-elle ajouté.

“Inestimable” car “émanant d’un des artistes les plus cotés au monde” et “chargée d’un pouvoir d’évocation mémorielle important”, a souligné la représentante de l’accusation. Citant Thénardier qui, dans Les Misérables de Victor Hugo, “dépouille” un mort, elle a parlé d’un “comportement de charognard”.

Au sein de ce qu’elle a qualifié “d’organisation structurée”, elle a requis quatre ans d’emprisonnement avec un mandat de dépôt, soit une incarcération immédiate, contre Franck Aubert et Kévin Gadouche, ainsi que trois ans contre Danis Gérizier, avec un maintien en détention. Ces trois hommes ont reconnu le vol, en huit minutes, de la porte, peu après 4 heures du matin le 26 janvier 2019, à l’aide de disqueuses reliées à un groupe électrogène installé dans un fourgon aux plaques dissimulées.

Le détail des peines requises

La magistrate a demandé six ans de prison dont trois ferme, ainsi que 150 000 euros d’amende, pour Mehdi Meftah, qualifié de “commanditaire” : “tous les chemins mènent” à cet homme devenu millionnaire en 2017 après un gain au loto et qui avait lancé avant cette affaire une marque de T-shirts de luxe, a estimé la procureure.

Des peines allant de 18 mois à deux ans ferme, assorties de 1 500 à 50 000 euros d’amende, ont été requises contre un “évacuateur”, deux “transporteurs” et une “nourrice”, propriétaire d’un hôtel en Italie où a été entreposée l’œuvre et qui l’avait ensuite déplacée dans une ferme non loin, où elle a été découverte le 10 juin 2020.

Reconnaissant des “parcours de vie qui sont pour beaucoup difficiles”, la procureure a aussi relevé les casiers chargés de plusieurs prévenus. La défense a bataillé pour obtenir des peines plus légères, dénonçant un réquisitoire “caricatural”.

Peu importe “qui a eu cette idée déplorable, minable, qu’ils regrettent aujourd’hui”, a plaidé Me Romain Ruiz, avocat de Franck Aubert, décrivant un vol “préparé par des pieds nickelés” pour lequel in fine “personne n’a été rémunéré”. Me Dimitri Gremont pour Kévin Gadouche a insisté lui aussi sur “l’amateurisme” des prévenus.

C’est après ce vol que “nous avons collectivement établi ce lien” entre l’œuvre de Banksy et les attentats, comme cela a été le cas pour La Joconde, qui “n’avait pas de statut particulier jusqu’en 1911, lorsqu’elle a été volée”, a-t-il aussi fait valoir. Danis Gerizier “n’avait pas conscience de la symbolique” du pochoir au moment des faits, a soutenu Me Jane Peissel, rappelant qu’il s’agissait d’un vol “sans violence” et que son client était depuis 18 mois en détention provisoire.

Surpris par l’arrivée de la peinture chez lui, Mehdi Meftah a simplement accepté de la garder “par amitié” avant de la cacher en Italie, a affirmé Me Clarisse Serre. Ces “connaissances aux États-Unis” où il aurait pu revendre l’œuvre ? “C’est la copine du collège qui est devenue pâtissière”, a-t-elle notamment ironisé. Contre “l’emballement”, elle a adjuré le tribunal de “dire stop”, “d’avoir le courage de dire que Mehdi Meftah n’est pas le commanditaire”.

Konbini arts avec AFP.